Depuis son apparition dans l’Italie du XVIIe siècle, l’opéra est devenu un objet de séduction indéniable et l’un des genres artistiques les plus populaires au monde. S’il faudrait nuancer à bien des égards la citation du célèbre ténor italien, il est incontestable que l’Italie reste dans l’imaginaire collectif, le pays du bel canto où la voix est reine, que l’opéra français a produit parmi les plus belles mélodies lyriques, tandis que les Allemands sont reconnus comme les maîtres de l’orchestre et de la symphonie.

L’hégémonie et l’influence italienne sur l’opéra ont été sans concurrence en Europe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. L’exemple en est particulièrement frappant en Angleterre, qui privilégie les compositeurs étrangers et ne produit aucune œuvre nationale significative depuis l’époque baroque de Purcell jusqu’à Benjamin Britten dans l’après Seconde Guerre mondiale.

Dans un XIXe siècle bouleversé par les révolutions et les conflits, la lutte et la recherche d’émancipation des peuples vont conduire inéluctablement à la reconnaissance d’identités nationales, que la musique, et particulièrement l’opéra, vont transcender. Ce dernier va se révéler être un parfait instrument de revendication nationale, voire une arme contre l’oppression et dépasse alors son simple statut de divertissement réservé à l’origine aux élites des cours européennes. Les compositeurs vont puiser pour cela leurs sujets dans l’histoire ou le folklore national, aborder les thèmes de la révolte, de l’égalité et de la liberté, et rechercher une prosodie spécifique à leur langue. Il suffit de citer Nabucco de Verdi, La Walkyrie de Wagner, Boris Godounov de Moussorgski, La Fiancée vendue de Smetana ou La Vie brève de Falla, pour reconnaître dans ces œuvres, devenues aujourd’hui universelles, des monuments de l’art lyrique italien, allemand, russe, tchèque et espagnol, mais bien plus encore des symboles de fierté de ces nations.

Cette quête d’identité est marquée parallèlement par l’émergence du romantisme. S’opposant à la rationalité des Lumières, ce mouvement prône un retour à l’expression des émotions et à l’exaltation des sentiments. Délaissant la mythologie et l’héroïsme privilégiés par les néoclassiques, les compositeurs explorent les thématiques de l’amour, de l’exotisme ou du fantastique en puisant notamment leur inspiration dans les canons littéraires (ceux par exemple de Byron, Dumas, Goethe, Hoffmann, Hugo, Pouchkine, Schiller ou encore Scott) qui envahissent l’Europe.

Au tournant du XXe siècle, l’opéra va une nouvelle fois bousculer les traditions établies. Jouissant d’une plus grande liberté créatrice, les auteurs dévoilent des histoires à la narration novatrice et des personnages plus complexes. Ils cherchent également à se libérer des tonalités conventionnelles, audace qui leur permet d’explorer de nouvelles esthétiques.

Complétant la rétrospective sur l’opéra français présentée l’an passé, l’exposition s’intéresse aux autres nations qui ont fait l’opéra, et tente, grâce aux collections du musée, une approche plus globale de cet art qui a dominé l’Europe musicale du XIXe siècle.